FAIS PAS LE MALIN !
Bobby n’est pas né à proprement parler sous une bonne étoile. Bien que né dans le Périgord, il se trouva affublé d’un nom assez ridicule pour un périgourdin. Ses parents étaient des adeptes de la série télévisée “Dallas”. Assurément, s’il avait été une fille il se serait appelé Pamela.
Il se consola bien plus tard en ayant comme idole le chanteur LAPOINTE.
Bien que ses parents aient eu un niveau d’éducation et une intelligence assez faibles, Bobby avait un quotient intellectuel très élevé. Ce fut un garçon brillant, qui réussit admirablement ses études.
Sa vie fut interrompue au printemps de cette année, dans un accident de la route qui lui coûta la vie.
Mais commençons par le commencement.
A quatre ans Bobby savait lire et presque écrire. Il lisait tout ce qui lui tombait sous la main, c’est à dire pas grand chose chez lui, ses parents n’ayant pas de livres. Seul Télé 7 jours trouvait grâce auprès de sa mère, et parfois son père achetait Le Chasseur Français.
L’école maternelle fut un véritable calvaire pour lui qui se sentait mille fois supérieur aux autres élèves. Toutefois, cela lui permit d’avoir accès à la bibliothèque communale et à des ouvrages d’un facture autrement plus agréable pour lui que les livres pour enfants.
Un mois après son entrée au C.P. sa maîtresse jugea qu’il était assez mûr pour passer directement en CE2.
Ses parents furent bouleversés par cette nouvelle et ils furent comblés de joie. Le père de Bobby vint le voir un soir dans sa chambre.
- Félicitations mon fils ! Je suis vraiment heureux que tu sois si en avance et si intelligent. Pour la peine je vais te faire un cadeau. Qu'est-ce qui te ferait plaisir ? lui demanda son père.
- Oh papa, comme c'est gentil. C'est un peu grâce à vous si je suis tant en avance , mentit-il. Il y a une chose très rare, très belle qui me ferait immensément plaisir.
- Quoi donc, dis moi.
- Tu sais c'est très rare, je ne sais pas combien cela peut coûter...
- Dis toujours...
- ... C'est une balle de ping-pong...
- C'est tout ?
- ... verte !
- Comment ?
- Une balle de ping pong verte ! répéta Bobby.
Son père le regarda, interloqué. Jamais il n’avait entendu Bobby proférer une telle bêtise. Une balle de ping pong verte ! Mais cela n’existait pas. Il était sûr que cela n’existait pas. Où son fils avait-il pu voir une balle de ping pong verte ?
- Enfin, Bobby !!! Qu'est-ce que ça veut dire ? Les balles de ping pong vertes ça n'existe pas !!! Tu veux pas plutôt un Mécano ou des Playmobil.
- Si tu veux papa. Mais, j'aurais bien aimé une balle de ping pong verte.
- Ca suffit ! cria son père. Tu auras des Playmobil ! Nom de Nom !
Et il eut des Playmobil comme tous les enfants de son âge.
Quelques années plus tard, quand Bobby entra en sixième au collège du canton, ses parents furent très heureux d’apprendre que leur enfant était un peu un surdoué.
En effet, il avait trois ans de moins que l’élève le plus jeune de son établissement. Pourtant, il avait des résultats exceptionnels, avec une moyenne générale de l’ordre de 19,95.
Il était doué pour toutes les matières, aussi bien littéraires que scientifiques ou même sportives. Il était un athlète accompli et il arrivait à des résultats faramineux malgré son jeune âge. Mais il en n’abusait pas de sa supériorité.
Il était très estimé de tous car il savait apporter son soutien, son amitié à tous. Jamais il ne laissait un camarade qui avait des difficultés à suivre le programme.
Le père de Bobby vint le voir un soir.
- Bobby, c'est formidable ce que tu as fait. Ta mère et moi sommes très heureux car tout le département te présente comme l'enfant le plus doué.
- C'est grâce à toi et à maman, mentit Bobby.
- Ta mère et moi, on a décidé de te faire un cadeau. Ca te dirait une belle bicyclette bleue ?
- Ca serait formidable, papa, mais tu sais, si tu tiens réellement à me faire plaisir, ça serait génial si tu m'offrais une balle de ping pong verte.
Son père manqua d’étouffer. Cela faisait quelques années que son fils ne lui avait pas reparlé de cet objet. Il pensait qu’il avait oublié. Mais son fils avait également une grande capacité de mémorisation.
- Mais ça n’existe pas ! Il n’y a que des balles de ping pong blanches ! Et puis tu ne joues pas au ping pong ! Tu n’as jamais joué au ping pong.
- Mais papa, si tu savais, avec cette balle de ping...
-Tais-toi ! l'interrompit son père. Je ne veux rien savoir. Tu as beau te croire plus intelligent que les autres, tu auras un vélo bleu comme les autres.
Bobby entra au lycée alors qu’il était encore très jeune. Son passage au collège ne dura en tout et pour tout qu’une année et demi. Le niveau atteint pas Bobby était phénoménal, et il se sentait quelque peu à l’étroit au collège.
Il arriva naturellement au bac deux ans plus tard. Il était premier dans toutes les matières. Même en philosophie il faisait preuve d’une fulgurance d’esprit incroyable.
Ses parents avaient toujours refusé qu’il soit mis à l’écart de la vie lycéenne normale. Ils se refusaient à ce qu’il intègre une école spécialisée. Ils voulaient que leur progéniture suive un cursus classique, même s’il avançait à pas de géants avec des bottes de sept lieues alors que ses camarades avançaient en sabots.
La différence d’age ne se remarquait plus. Moralement Bobby était très mûr et physiquement il était très grand et ne paraissait pas avoir quatre à cinq ans de moins que ses camarades.
Quand il obtint son baccalauréat avec mention Très Bien, son père vint le voir un soir.
-
Bobby, c’est formidable. Bien que l’on savait que tu l’aurais de toutes façons, cela fait super plaisir. Avec ta mère on a pensé que ça serait bien de fêter ça par un cadeau. Comme tu auras bientôt l’âge, on a pensé que ça te ferait plaisir d’avoir un scooter.
-
Ouais, super ! Merci papa ! Mais est-ce que tu pourrais aussi m’acheter autre chose ?
-
Quoi ? un nouvel ordinateur ? Tu en as déjà trois !
-
Non, de ce côté là ça va ! Non, en fait je voudrais une table de ping ping.
-
Une table de ping pong ? Mais bien sûr, avec des raquettes et des balles…
-
…vertes.
Son père éclata.
-
Mais c’est pas possible ! T’es débile ? Les balles de ping pong c’est blanc… y’en a même des oranges maintenant…
-
Mais moi il m’en faudrait une verte parce que…
-
On ne les fait pas en vert, parce que les tables sont vertes ou parfois bleues. Alors des balles vertes, tu penses. Les ballons de foot c’est pareil… Les balles il faut les voir, pas les camoufler…
-
Oui, mais c’est pas pour ça, tu comprends pas, papa. Avec une balle de ping pong verte, je pourrais…
-
…Rien du tout ! Tu auras ce que je te donnerais… Si tu veux une balle de ping pong verte, tu n’as qu’à te l’acheter toi même…
-
… Ah ben non papa, si je me l’achètes ça ne marchera pas. Je ne pourrais pas…
Son père sortit en claquant la porte de la chambre sans entendre les explications que lui donnait son fils.
Il suivit plusieurs filières conjointement. Sa soif de connaissance et de savoir semblait insatiable. Il menait de front une masse de travail incroyable. Il passa des maîtrises et des doctorats dans de multiples matières. Les grandes entreprises et grandes universités de par le monde lui offraient des ponts d’or.
Mais ses parents avaient toutefois réussit à lui inculquer l’humilité. Il resta dans son pays et dans son université. Il collabora toutefois avec le CNRS, le CESA, le ESA, etc…
Il devint vite riche, et même très riche alors même qu’il n’était âgé que d’un petite vingtaine d’années. On le vit à plusieurs reprises sur la une des magazines et des journaux pour de multiples inventions et innovations dans de très divers domaines.
Il fonda même un foyer. Il rencontra sur les bancs des amphithéâtres une jeune fille ravissante et joyeuse qui éclaira complètement sa vie.
C’était en rentrant un soir chez lui que le drame se produisit.
Il faisait entre chien et loup. Une légère pluie tombait. La route était humide et glissante. Et soudain à un carrefour… Ce fut l’accident !
La voiture de Bobby fut percutée de plein fouet par un poids lourd qui ne l’avait pas vu.
Le père de Bobby arriva à l’hôpital vers onze heures du soir.
Il entra dans la chambre, les yeux en larme. Son fils était couché sur ce lit. Des perfusions, des tuyaux et des machines, des bandages… Bobby avait le visage couvert d’hématomes et de griffures.
Le père s’approcha et lui prit la main. Bobby ouvrit les yeux et regarda son père.
- Papa ? Chuchota Bobby.
Son père approcha son visage vers celui de son fils. Il tourna la tête et écouta les chuchotis de son fils.
- Papa. je n'ai aucune chance de m'en tirer...
-
…Bobby…
-
… laisse moi parler papa. Depuis que je suis tout petit, tu as été bienveillant avec mois, mais il y a une chose que tu m’as toujours refusée…
-
… La balle de ping pong ?
-
Oui, papa… La balle de ping ping… VERTE…
-
Mais pourquoi mon fils ???
-
Je n’ai plus temps… va vite me chercher une balle verte, papa…
Et le père partit dans la nuit à la recherche du diamant vert… pour son fils.
Il ne trouva pas de balle verte, car ça n’existe pas. Alors il acheta des balles blanches et de la peinture verte en aérosol. Il peignit soigneusement une balle d’un joli vert gazon.
Il revint à l’hôpital à cinq heures et sept minutes.
A cinq heures et neuf minutes il entra dans la chambre de son fils.
A cinq heures, neuf minutes et dix secondes, il mit la balle de ping pong verte dans le creux de la main de Bobby.
Bobby eut encore la force de lever sa main vers ses yeux. Il regarda l’objet et prononça :
- Aahh ! Une balle de ping pong verte...
Ses yeux de figèrent, ses doigts s’écartèrent et laissèrent échapper la balle qui roula sur la drap du lit. Elle tomba du lit et rebondit plusieurs fois sur le sol en linoléum et alla se cacher sous l’armoire.
La main de Bobby retomba sur sa poitrine.
A cinq heures et douze minutes, le médecin de service constata le décès de Bobby.