se pose une question qui, en fait, taraude le jeu vidéo depuis sa création, ou presque. 86% des héros de jeux sont mâles et blancs, nous dit une étude menée en 2001 par le groupe Children Now, qui précise également que 8 Afro-Américains sur 10 sont représentés - à l’époque - comme des compétiteurs dans des jeux sportifs (foot américain, basket, golf, etc.), que les Latinos sont confinés à de mini apparitions dans des jeux de base-ball, et que 7 personnages asiatiques sur 10 sont, soit des combattants dans des jeux de baston, soit des sumotoris et des lutteurs. Le jeu vidéo est blanc et le fait savoir. La situation a aujourd’hui quelque peu changé, quelques titres osent timidement le héros ethnique (Shadow Man, GTA : San Andreas, Niobe dans Enter the Matrix…, en dehors de certains titres qui vous laissent choisir), sans toutefois que l’industrie ne connaisse de véritable et profonde remise en question. Même dans les jeux japonais l’identité culturelle semble s’effacer au profit d’une vision globalisée de l’être humain. Les héros sont blonds, ont la peau claire, de grands yeux bleus ou noirs, rarement les traits de leurs concepteurs, encore moins du public à qui ils s’adressent en majorité. La globalisation n’a décidément pas que des avantages, surtout quand le coeur de cible, lire “les acheteurs potentiels de nos produits”, sont à l’Ouest. Pour un Dee-Jay ou un Fei Long dans Street Fighter, pour un Ryo dans Shenmue aux traits assez typés, combien de Léon, de Raiden, de Solid Snake, de Cloud, aux facies aussi génériques qu’occidentalisés ? Pour un Diego Chavez dans un Rainbow Six (et encore, Red Storm dépendait des personnages du roman de Tom Clancy), combien de suspects automatiquement black ou latinos dans des jeux de ce type ? Quid de tous ces softs où l’étranger
devient l’ennemi idéal, où le vilain terroriste qu’il soit Mexicain ou Arabe, est la cible rêvée : Delta Force, Command & Conquer : Generals, Act of War, Kuma War, Conflict: Desert Storm - Back to Baghdad. Des jeux où l’on réécrit l’histoire à l’aune d’une propagande étatique et d’un patriotisme pour le moins gerbant, où l’on fait du joueur le glaive d’une justice à oeillères qui dresse un portrait pour le moins limite de nations “sous-développées”, où tirer sur les “bronzés” devient presque une sorte de catharsis. Et Mario, ce bon Mario, n’est-il pas l’essence même de la caricature moustachue du plombier italien, avec sa salopette bariolée ?
Chronique par Emmanuel Delune.
Article publié le 28/06/2005 18:15:00